Intervention de François Fillon
La gravité de la situation économique du pays m’a conduit à organiser ce point de presse aux
côtés de plusieurs anciens ministres qui ont eu la charge de gérer notre économie.
Depuis hier, le gouvernement tient entre ses mains le rapport Gallois.
Il est consternant de voir un gouvernement s’interroger avec tant de retard sur le sujet vital de
la compétitivité…Je rappelle que le mot «compétitivité» ne figurait qu’une seule fois dans les 60
engagements de François Hollande…
Ce rapport n’est pas révolutionnaire.
A côté du «choc de compétitivité» qu’il réclame clairement, il comporte cependant une série de
mesures pour la plupart assez utiles.
Ce rapport constitue donc l’ultime chance pour le gouvernement de rectifier le tir de sa politique
qui nous mène droit vers la récession.
Depuis le printemps, aucune mesure structurelle n’a été prise pour relancer notre économie,
bien au contraire.
– Par sectarisme, le gouvernement a supprimé la TVA compétitivité, alors que l’intérêt
général aurait au moins mérité que cette disposition fut expérimentée ;
– Par dogmatisme, il a abrogé les heures supplémentaires défiscalisées qui avaient le
mérite de motiver les salariés et d’augmenter leur pouvoir d’achat ;
Par démagogie, il s’est aliéné le monde de l’entreprise en l’accusant de tous les maux et
en le surtaxant à des niveaux inégalés en France et en Europe ;
– Par lâcheté, il est en partie revenu sur la réforme des retraites, donnant un signal
désastreux de coup d’arrêt des réformes ;
– Par myopie, ce même gouvernement a bâti un projet de budget déséquilibré : les
dépenses de l’Etat sont quasiment intouchées, et dès lors, toutes les économies pèsent
sur les ménages et sur les entreprises.
– Enfin, la relation franco-allemande a été minée par les initiatives intempestives et
politiciennes de François Hollande.
Sur ce sujet, trois erreurs ont été commises :
– erreur d’avoir engagé un bras de fer avec la chancelière allemande sur le
prétendu «pacte de croissance» qui était déjà dans les tuyaux de la commission
européenne ;
– erreur d’avoir reçu en grande pompe les leaders de l’opposition allemande à
l’Elysée en juin dernier ;
– erreur de ne pas travailler en complicité avec l’Allemagne sur le renforcement de
la gouvernance de la zone euro.
Bref, quand un gouvernement s’attaque de façon aussi absurde à la crise, il ne peut s’en
prendre qu’à lui-même lorsque l’économie flanche.
Tous les feux sont au rouge !
→ l’INSEE prévoit une croissance nulle (égale à 0,0%) pour les deux derniers trimestres de
l’année 2012 : l’économie française est donc à l’arrêt total ;
→ la consommation est atone (0,1% prévu par l’INSEE au troisième trimestre, -0,1% au
quatrième), et il n’y a aucune perspective que cela s’arrange avec les hausses d’impôts
massives du gouvernement qui vont grever le pouvoir d’achat des Français en 2013 ;
→ l’investissement est en repli (-0,6% et -0,7% prévus par l’INSEE aux troisième et quatrième
trimestres) : c’est le résultat du matraquage fiscal des entreprises et du niveau historiquement
bas de la marge des entreprises (28%) ;
→ les exportations font du surplace ;
→ l’indice du climat des affaires, qui mesure la confiance des chefs d’entreprise dans l’activité,
a perdu 5 points en 4 mois ;
→ conséquence de tout cela : le chômage devrait selon l’INSEE atteindre 10,6% à la fin de
l’année, un taux qui est supérieur à celui connu pendant les 10 années de gouvernement de
droite.
Certains pourraient penser que l’économie française subit simplement les effets de la
conjoncture européenne et mondiale, mais l’analyse de la plupart des observateurs est que les
choses sont beaucoup plus graves : la capacité de la France à rebondir est mise en doute en
raison de l’absence de réformes structurelles.
Ce n’est pas seulement moi qui le dis, ce sont maintenant très ouvertement des économistes et
des responsables de tous bords.
Gerhard Schröder a comparé la France d’aujourd’hui à l’Allemagne de 2003, qui était
alors « l’homme malade de l’Europe ».
N’en déplaisent aux socialistes français, les Allemands disent tout haut ce que la plupart des
observateurs européens pense tout bas !
C’est dans ce contexte très inquiétant pour la France qu’intervient ce rapport de Louis Gallois.
Ce rapport a plusieurs mérites qui ne devraient pas faire plaisir aux socialistes :
→ c’est d’abord le choc de la réalité économique face au choc de l’idéologie gouvernementale ;
ce rapport rappelle à la gauche que la question de la compétitivité française est réelle, qu’elle
est grave et qu’elle ne date pas du dernier quinquennat !
→ ce rapport souligne plusieurs aspects positifs de la politique que nous avons conduit (CIR,
Pôles de compétitivité, investissements d’avenir…) et montre la nécessité de la poursuite des
réformes !
→ enfin, ce rapport insiste sur la nécessité de réduire le poids des dépenses publiques, le coût
du travail, et d’encourager l’esprit d’entreprise. «Les chefs d’entreprise ont le sentiment d’être
cloués au pilori», écrit Louis Gallois… Le gouvernement appréciera !
Ce rapport préconise notamment :
Une réduction des charges sociales de 30 Mds€ pour faire baisser le coût du travail. C’est bien
un « choc de compétitivité » qui s’impose, nous écrit Louis Gallois.
Cette fois-ci, la gauche ne pourra pas dire que le problème de notre coût du travail est une
invention de la droite !
Je souscris au diagnostic de Louis Gallois et au montant des 30 milliards qui peut nous
permettre de nous mettre au niveau de compétitivité des pays de l’UE.
Mais je dis que le choix de la TVA est meilleur que celui de la CSG qui n’intègre pas les
importations et qui frappe directement les salaires et les retraites !
Le gouvernement veut régler, nous dit-on, ce problème à travers un crédit d’impôt : au lieu
d’une mesure claire et forte, on va nous proposer une usine à gaz, compliquée, illisible, assortie
de conditions drastiques, qui n‘aura pas d’effet avant 2014.
La première proposition du rapport est un «coup de chapeau» à ce que nous avons fait.
C’est la stabilisation de 5 dispositifs essentiels pour les entreprises : le crédit d’impôt recherche,
le dispositif Dutreil sur la transmission des entreprises familiales, la contribution économique
territoriale (taxe issue de réforme de la taxe professionnelle), les incitations aux jeunes
entreprises innovantes, les dispositifs en faveur de l’investissement dans les entreprises comme
l’ISF-PME.
Tous ces dispositifs ont été créés ou renforcés par le gouvernement précédent. Il faut espérer
que grâce à Louis Gallois ils échapperont à l’entreprise de destruction systématique des
réformes que nous avons mises en place !
Le rapport Gallois propose d’ailleurs également la pérennisation du programme des
investissements d’avenir.
Je suis rassuré de voir ainsi consolidé ce programme, qui est une des innovations
fondamentales que nous avons mise en place avec Nicolas Sarkozy.
Plusieurs mesures sont suggérées pour favoriser le développement des filières industrielles.
Elles s’inscrivent dans la continuité de la politique que nous avions initiée avec les comités de
la Conférence nationale de l’Industrie, que le rapport veut renforcer, et les fonds filières (FMEA
dans l’automobile, fonds nucléaire, ferroviaire…).
Le rapport propose de conditionner les soutiens publics aux grandes entreprises à leur capacité
à y associer leurs fournisseurs et leurs sous-traitants.
Oui sur le principe, mais attention de ne pas stigmatiser nos «champions nationaux».
Il faut arrêter d’opposer les grandes entreprises et les petites entreprises.
Dans une équipe, on ne réussit pas en demandant au meilleur de rester sur le banc de touche.
Des mesures pour favoriser l’épargne en actions
Réorienter les placements en assurance-vie vers les assurances-vie investies en actions plutôt
qu’en obligations (contrats en euros) est une idée intéressante.
Je note que cette idée heurte de plein fouet l’alourdissement récent de la fiscalité du capital et
le doublement du plafond du livret A !
Des mesures sont réclamées pour soutenir financièrement les exportations.
Le rapport préconise d’aligner les conditions de garantie export et de crédit sur « le
meilleur niveau » constaté chez nos concurrents. Cela signifie des garanties COFACE plus
performantes et des dispositifs publics de financement du crédit export.
Le gouvernement précédent a créé Ubifrance, pour améliorer l’efficacité de nos dispositifs
d’accompagnement à l’export. C’est un des grands progrès mis en œuvre dans le cadre de la
fameuse « RGPP », pourtant tant décriée aujourd’hui.
Un pas fondamental avait déjà été franchi, que M. Gallois connaît bien, en accordant à Airbus
le bénéfice d’une garantie pure et inconditionnelle, beaucoup plus puissante que la garantie
COFACE classique.
Si le gouvernement veut poursuivre dans cette voie, pourquoi pas ?
Il faudra veiller à ne pas créer trop de risques pour les finances publiques. Et surtout, il faut
être clair : la question des modalités de financement n’est pas le problème essentiel de nos
exportateurs. Il ne faut pas oublier l’essentiel : leur compétitivité intrinsèque. Et donc, leurs
coûts de production et la flexibilité dans l’organisation du travail.
Des mesures sont proposées pour développer la formation en alternance (doublement des
contrats en alternance), et pour mettre en place un compte individuel de formation pour les
salariés.
Sur ce sujet, nous avions déjà beaucoup fait, et je ne puis que soutenir cet objectif.
Un « small business act » pour les PME
C’est une orientation qui reprend celle développée par Christine Lagarde puis François Baroin.
Je rappelle que nous avions considérablement simplifié les procédures applicables aux PME et
créé Oséo pour répondre à leurs besoins de financement.
Nous avions veillé à leur accorder une place dans la commande publique, et agi sur les délais
de paiement qui les étranglaient. Que l’on aille plus loin dans ce sens est plutôt une bonne
chose.
Permettre la recherche sur les gaz de schiste
C’était précisément la proposition que mon gouvernement avait soumise au parlement.
Je regrette que le gouvernement Ayrault cède aux intimidations des Verts sur ce sujet.
Voilà quelques-unes des mesures préconisées par le rapport Gallois….
Il y en a beaucoup d’autres. Cette profusion est un peu inquiétante, car tout n’est pas de niveau
égal.
Il faut veiller à ne pas ressusciter les vieux démons du contrôle administratif tous azimuts dont
notre pays a le génie, et qui finissent par paralyser l’action.
Je note, pour le regretter, que la question des 35 heures n’est pas abordée.
Sur ce point, le gouvernement a réussi à passer sa gomme idéologique sur ce point central. Le
tabou reste tabou !
Je dénonce cet arrangement avec la réalité et la vérité.
La réalité c’est que les 35 heures ont accéléré la désindustrialisation de notre pays et provoqué
un affaiblissement de la productivité de l’Etat. Et la vérité, c’est qu’on ne pourra pas maintenir
notre modèle social sans travailler davantage.
Je note aussi que les propositions relatives à la baisse des dépenses publiques manquent de
souffle.
La productivité française est stérilisée par les déficits publics.
Il faut dégager 100 milliards d’euros pour revenir à l’équilibre : il faut une triple règle d’or ( pour
l’Etat, pour les collectivités territoriales, pour la sécurité sociale).
**
Mesdames et messieurs,
Maintenant, nous attendons les décisions du gouvernement.
Nous attendons une réponse rapide et forte. Pas dans trois semaines, pas dans deux mois…
Il faut agir maintenant ! Et pas agir de manière floue avec des nouvelles tables rondes et des
nouveaux rapports qui ne serviront à rien.
Ca commence mal ! Dès à présent, François Hollande a refusé toute idée d’un choc de
compétitivité.
Sa politique économique est incompréhensible : d’un côté, il assume un choc fiscal sans
précédent ; de l’autre, il louvoie sur les réformes de structure qui sont seules à même de
relancer la machine économique française.
Sa stratégie de l’édredon nous condamne à la récession; elle risque de faire de la France le
maillon faible de l’Europe et de provoquer, à moyen terme, une hausse de nos taux d’intérêt.
Je mets en garde contre la tentation de «noyer le poisson» en mettant seulement en avant la
compétitivité hors coûts.
La compétitivité hors coûts est un vrai sujet, et nous n’avons pas attendu la gauche pour nous
y atteler, mais on ne peut pas nier les questions de fond : nous ne travaillons pas assez, nous
n’investissons pas assez, nous dépensons trop !
Avec ce rapport, nous allons voir si le courage est au rendez-vous et si l’intérêt national est
supérieur aux intérêts du parti socialiste.
Je somme le Président de la République de ne pas enterrer ce rapport et de ne pas le désosser
pour ne retenir que ce qui l’arrange.
Tout retard et toute esquive devront être considérés comme une faute nationale !
Il faut une véritable thérapie de choc pour sortir de la récession et sauver notre industrie :
1) il faut en finir avec les 35h et renvoyer la durée du travail à des négociations au
niveau de l’entreprise
2) il faut enclencher une baisse rapide et massive du coût du travail, avec une mesure
immédiate sur la TVA
3) il faut engager la suppression des normes qui sont supérieures à la moyenne
européenne
4) il faut une réforme complète de la formation professionnelle afin de changer
radicalement notre stratégie de lutte contre le chômage
5) il faut une augmentation des seuils qui figent l’activité de nos PME afin de booster
l’activité et l’emploi
6) il faut enfin engager un effort de convergence économique, fiscale et sociale avec
l’Allemagne
L’heure est au redressement national, pas aux mesurettes.
Les Français doivent savoir que l’UMP n’est pas seulement dans une opposition à la gauche.
Nos propositions sont sur la table, et j’entends, avec mes amis, engager le combat pour sortir la
France de l’impuissance économique et politique.
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