En course pour la présidence de l’UMP, François Fillon, qui fait figure de favori dans les sondages d’opinion face à son concurrent Jean-François Copé, bat la campagne et accomplit son tour de France des fédérations ; dans le sud des Ardennes, à Sault-lès-Rethel, vendredi dernier, il est aujourd’hui dans la Marne et fait escale à Magenta, non loin d’Epernay, pour une réunion publique et un débat avec les sympathisants. Seront présents à ses côtés, Valérie Pécresse et Eric Ciotti, mais aussi Philippe Martin, Arnaud Robinet, Bruno Bourg-Broc, Jean-Claude Etienne… A cette occasion, nous publions l’entretien que l’ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy a accordé à l’union, dans lequel nous abordons les problématiques liées à la compétition interne à l’UMP, mais aussi, quelques aspects sensibles liés à l’actualité du moment en matière de politique européenne, d’impôts et de sécurité… Un discours maîtrisé qui se fait l’expression d’une grande fermeté ; une opposition déterminée, sans les scories d’un excès de démagogie, François Fillon contrôle sa trajectoire, sans épargner le chef de l’Etat : « François Hollande a enterré son mensonge d’une renégociation de ce traité, et c’est une bonne chose pour la France et pour l’Europe… »
Présidence de l’UMP
l’union – La campagne pour la présidence de l’UMP, sous des apparences feutrées et des protestations d’amour tendre, donne lieu à un combat d’appareil assez féroce. Que répondez-vous à ceux qui affirment qu’en cas de victoire de votre part, le 18 novembre, le FN bénéficierait d’un champ à ce point libre qu’il finirait par hypothéquer toute chance de succès de l’UMP à la présidentielle de 2017 ?
François Fillon – « J’ai fondé ma candidature autour d’un objectif : créer les conditions d’un rassemblement national autour de l’UMP pour surmonter le risque de déclin qui menace la France et qui est accentué par la politique socialiste. Je ne me pose pas la question de savoir si l’UMP doit être plus à droite ou plus au centre. Il faut qu’il soit un parti moderne et populaire capable d’attirer vers lui les électeurs du Front National qui nous ont abandonnés, ceux du centre qui nous ont quittés, et même les électeurs modérés qui ont voté à gauche et qui sont déçus. Sans parler des abstentionnistes qui ne croient plus en la Politique. Je rappelle que pour gagner les élections, il faut atteindre le score de 51 % ! Pour cela, il faut un projet percutant et solide et il faut une UMP crédible et rénovée qui rassemble les Français dans leur diversité. Les électeurs qui ont voté pour le Front National ne sont pas tous des extrémistes. Ils peuvent se reconnaître dans ma démarche qui s’appuie sur la volonté de bâtir une France plus productive et plus unie face à tous ceux qui ne respectent pas les lois de la République. Je n’ai aucune leçon à recevoir en matière de fermeté face aux corporatismes ou aux communautarismes. »
La présidence de l’UMP n’est qu’une étape dans la reconquête du pouvoir. Dotée d’un nouveau chef, l’UMP devra être solidaire, unie, mais pensez-vous avoir les moyens d’imposer votre paix, en interne, à un concurrent qui tient le groupe UMP à l’Assemblée nationale, dispose avec Génération France d’un réseau qui lui est tout dévoué, bien que peut-être surestimé, et a déjà fait la preuve de sa capacité de nuisance dans la première période du quinquennat de Nicolas Sarkozy ?
« Si j’ai l’honneur d’être désigné par les adhérents de l’UMP, je rassemblerai notre famille politique et je tendrai la main à tous ceux qui étaient candidats à cette élection interne. Je n’ai pas d’adversaire à l’UMP, et dans cette campagne je ne critique ni mon concurrent, ni ceux qui ont choisi de le soutenir. Après l’élection, quel que soit le verdict, ceux qui seraient tentés de ne pas respecter le vote des adhérents seront vite discrédités aux yeux des militants et des Français. »
Que pensez-vous du positionnement des non alignés, Alain Juppé, ou Benoist Apparu, pour rester dans la Marne, qui estiment que l’élection à la présidence de l’UMP ne réglera rien, et que la guéguerre fera rage jusqu’aux primaires de 2016 avec tout ce que cela implique comme dégâts pour l’UMP ?
« Je ne comprends pas cet argument. Nous venons de perdre deux élections, le poste de président de l’UMP est vacant, Nicolas Sarkozy a choisi de prendre du recul avec la politique, il faut donc bien faire une élection interne pour désigner une nouvelle équipe dirigeante ! Nos statuts nous y obligent, et ce serait donc un déni de démocratie si nos adhérents étaient privés du pouvoir de débattre et de voter. J’ai beaucoup d’estime pour Alain Juppé et beaucoup de sympathie pour Benoist Apparu, lui qui fut non seulement un excellent ministre mais aussi un militant chevronné. Tous deux se réclament du gaullisme, et ils savent comme moi que lorsqu’il y a une difficulté politique, on se ressource dans la démocratie. La compétition est normale et légitime, et je fais tout pour qu’elle soit digne. »
Xavier Bertrand était le seul à rassembler suffisamment de parrainages pour venir jouer le rôle du troisième homme dans la course à la présidence de l’UMP. Il s’est finalement déclaré en course pour la primaire de 2016 ; le considérez-vous comme un allié potentiel ou d’ores et déjà comme un futur concurrent ?
« J’ai beaucoup de points communs avec Xavier Bertrand. Il connaît aussi mon attachement au P de populaire de l’UMP. Il sait que ma porte lui est ouverte. Je compte sur lui quel que soit son choix pour m’aider à rassembler le Mouvement. »
Sans doute est-ce un phénomène spontané et fortuit, mais le nom de Nicolas Sarkozy est cité de plus en plus fréquemment dans la perspective de 2017… M. Copé a dit qu’il se retirerait si M. Sarkozy revenait, Xavier Bertrand et vous-même avez annoncé que vous seriez candidats quoi qu’il en soit… Tous ces gens qui font parler Nicolas Sarkozy, vous en pensez quoi ?
« Je crois qu’il faut arrêter de parler à la place de Nicolas Sarkozy. Il a choisi de prendre du recul et il est inélégant pour lui d’utiliser son nom ou de décider son avenir à sa place.. »
Politique générale
Voir Jean-Marc Ayrault s’échiner à faire voter un Traité européen – Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) – qu’il a précédemment voué aux gémonies, avec François Hollande, parce qu’il avait été préparé sous l’égide de Nicolas Sarkozy, alors que vous étiez Premier ministre, ça vous fait quoi ?
« François Hollande a enterré son mensonge d’une renégociation de ce traité, et c’est une bonne chose pour la France et pour l’Europe. Evidemment, je peux comprendre qu’une partie des électeurs de gauche ait le sentiment d’une mystification… L’antisarkozysme primaire du candidat Hollande est en train de se retourner contre le Président Hollande. C’est la rançon d’une campagne électorale démagogique qui n’a pas pris en compte la réalité de la crise que traverse le continent européen. »
Que pensez-vous de la position d’Europe Ecologie-Les Verts, qui participe au gouvernement d’une main et s’apprête à sanctionner sa politique de l’autre, sachant qu’au sein de l’UMP, des élus dits de la Droite forte – plutôt branchés Copé – s’opposent eux aussi au vote du Traité TSCG ?
« Il est grave de voir un gouvernement, qui après seulement 6 mois d’activité, est déjà incapable de tenir sa majorité, sur un sujet pourtant si vital pour notre pays et pour l’Europe. Le Premier Ministre nous dit qu’il a tout fait pour convaincre ses alliés écologistes de voter… Tout sauf une chose, exiger d’eux qu’ils soutiennent le gouvernement ou qu’ils le quittent ! Dans une majorité, il est normal qu’il y ait des discussions, mais il est parfaitement anormal que l’autorité du Premier ministre et du président de la République soit à ce point bafouée. Ceci dit, les alliés Verts et du Front de gauche n’ont pas tous les torts. Ils ont pris au mot ce que François Hollande avait dit dans sa campagne électorale : « je renégocierai ce texte » disait-il avec aplomb. Evidemment, rien n’a été renégocié ! »
Comment jugez-vous la volonté subite de la majorité présidentielle actuelle de restaurer la compétitivité des entreprises en faisant supporter la baisse des cotisations patronales par une hausse de la contribution sociale généralisée, laquelle porterait sur les classes moyennes et les retraités, déjà taxés pour la Sécu ? En quoi la CSG serait-elle plus « juste » que la TVA sociale que vous aviez prévue ?
« Baisser le coût du travail en France est une nécessité vitale, et j’accuse le gouvernement de s’en apercevoir seulement maintenant. Il a supprimé de façon stupide et sectaire la TVA compétitivité mise en place par Nicolas Sarkozy. Cette TVA compétitivité permettait de ne plus faire reposer le financement de la protection sociale sur les seuls salaires mais sur la consommation. Au surplus, elle intégrait les importations en les faisant participer au financement de notre protection sociale. Maintenant, le gouvernement est coincé et il s’apprête à une augmentation massive de la CSG qui va frapper directement les classes moyennes. Ce système d’imposition me paraît plus injuste et moins efficace sur le plan économique que la TVA compétitivité. »
Les socialistes agitent l’épouvantail du vote des étrangers non européens aux élections locales… Serait-ce parce qu’ils sont un peu encalminés dans leur gouvernance, ou parce qu’ils souhaitent effectivement réactiver le vote communautaire lors des prochaines municipales ?
« Depuis plus de 20 ans, les socialistes parlent du vote des étrangers aux élections locales. C’est une façon pour eux de jouer les bonnes âmes et de cliver la société française. Cette proposition, ça n’est pas une priorité, et c’est un risque pour l’unité nationale ! Je suis fermement contre le vote des étrangers aux élections locales, car le droit de vote ne se découpe pas en tranches. Le droit de vote est lié à la nationalité française. Revenir sur ce principe, ce serait prendre le risque d’affaiblir la République et d’alimenter les communautarismes. Sur ce sujet, l’UMP doit être inflexible. »
Les pédophiles potentiels, en France, sont plus sévèrement surveillés que les terroristes hypothétiques. Les amateurs de djihad par internet peuvent se faire plaisir tranquillement en consultant des sites qui font l’apologie du terrorisme en toute impunité. Et le rigoureux Monsieur Valls, l’homme de la gauche adroite, pour reprendre une expression qui ne l’est pas moins, n’a rien prévu en la matière dans son projet de loi supposé renforcer le dispositif de lutte contre le terrorisme. Votre jugement sur ce point ?
« Bien que ces deux sujets soient différents, la surveillance et la réponse pénale de la République doivent être sans faille. Sur la lutte contre le terrorisme, j’ai dit dès dimanche que cela exigeait l’unité de la Nation. Les polémiques regrettables alimentées par certains socialistes qui avaient surgi lors des événements de Toulouse ont laissé la place au combat unitaire contre le terrorisme et je m’en félicite. J’avais interpellé le Président François Hollande, au moment de la manifestation non autorisée des salafistes à Paris pour que le projet de loi antiterroriste préparé au lendemain de l’affaire Merah et que nous avions préparé soit examiné d’urgence. Ce projet vient juste d’être adopté cette semaine en Conseil des ministres, je regrette le temps perdu. L’opposition jouera tout son rôle dans la discussion parlementaire à venir sur la nouvelle législation antiterroriste. Elle le fera en ayant pour seul objectif la sécurité des Français et la détermination de la République à lutter contre tous les fanatismes. »
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